Au début des années trente, Karl Leisner est lycéen à Clèves. Il s'applique à se construire une sorte de discipline intérieure et à conserver une vie spirituelle intense. Cette volonté de vivre selon les règles qu'il s'est fixées l'aide à se protéger de l'influence nazie, et plus tard à survivre dans les conditions les plus difficiles. Dans les plus grandes souffrances, il trouvera encore la force de venir en aide aux autres. Dès 1933, il est un opposant déterminé à Hitler et à son régime.
Avant même de passer le Baccalauréat, en 1934, il choisit de faire des études de théologie pour devenir prêtre. Au cours de son premier semestre à Münster, il se voit confier la responsabilité des mouvements de jeunesse diocésains. Il essaie de continuer à réunir les jeunes et de leur donner des armes, sur le plan intérieur, pour qu'ils soient capables de résister au nazisme. A cette époque déjà, ses activités sont surveillées par la Gestapo qui confisque les journaux qu'il rédige.
En 1936-37, au cours d'un semestre d'études à Fribourg-en-Brisgau, il rencontre une jeune fille et pense abandonner sa vocation pour fonder une famille. Il sort de ce temps de mise à l'épreuve renforcé dans son appel : sa vie sera désormais tout orientée par le désir de devenir prêtre. Les lignes qu'il écrit au cours de cette période renferment des méditations d'une grande richesse: "Tu dois croire, tu dois oser. Il y va du Christ dans notre pays. C'est ce qu'il y a de plus grand ! Sacrifice, combat, courage !" "Christ, toi ma vie, mon amour, toi ma passion, embrase-moi, éclaire-moi" (14 avril 1938).
Il est ordonné diacre le 25 mars 1939 à Münster; mais peu de temps après, atteint de tuberculose, il interrompt toute activité pour se faire soigner au sanatorium de Saint Blasien en Forêt Noire. Dénoncé à la Gestapo à cause de propos imprudents contre le régime, il est emprisonné à Fribourg-en-Brisgau avant d'être conduit au camp de Sachsenhausen.
Le 13 décembre 1940, il est transféré au camp de Dachau sous le numéro 22356. Environ deux mille huit cents prêtres allemands, autrichiens, polonais et d'autres pays d'Europe, ainsi que des pasteurs, y sont réunis dans le "Block 26". Il y a là des prêtres de cent quarante-quatre diocèses, de quarante ordres différents ; le plus âgé a quatre vingt-deux ans. A partir de 1941, les prêtres ont le droit de célébrer la messe tous les jours dans une chapelle, le matin à cinq heures, avant l'appel. Les prêtres s'efforcent toujours de maintenir dans le camp une vie spirituelle. Les privations, le travail et les rigueurs de l'hiver aggravent sa maladie qui le contraint, dès 1941, à rejoindre le quartier des malades, une baraque où les malades sont entassés dans un espace étroit. Karl Leisner s'accroche cependant toujours à l'espoir d'être ordonné prêtre.
L'arrestation et le transfert à Dachau de Monseigneur Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, à l'automne 1944, rendent possible une ordination dans le camp. Les préparatifs commencent secrètement : obtenir l'autorisation de l'évêque du diocèse et celle de l'évêque de Münster, se procurer l'huile sainte et les ornements nécessaires, façonner une bague d'évêque et une crosse sur laquelle sont gravés les mots "Victor in vinculis", des mots qui résument la situation.
Karl Leisner est ordonné clandestinement dans la chapelle du camp de Dachau le 17 décembre 1944. Il y célèbre sa première et unique messe le 26 décembre 1944.
Sa maladie entre dans un stade ultime. Il est libéré du camp le 4 mai 1945 et, transféré aussitôt au sanatorium de Planegg, près de Munich, il y meurt le 12 août 1945.
Karl Leisner est devenu très vite un modèle pour les jeunes de sa région, puis pour beaucoup d'autres, jusqu'à ce que le Pape le cite en exemple pour la jeunesse d'Europe devant quarante-deux mille jeunes.