Le plan de Dieu sur Karl
Envisageant désormais sa vocation avec sérénité, Karl entame sa préparation aux ordres mineurs, et entre au séminaire en 1938. Il note dans son journal « J’écrivis jadis dans l’ardeur d’un idéalisme juvénile : « Seigneur, ma passion. » Aujourd’hui je peux écrire – terriblement intimidé, mais purifié – : Jésus Christ, mon Amour, mon Tout, mon Unique. Je T’appartiens tout entier sans réserve. Ainsi soit-il ! ». Il est ordonné sous-diacre le 4 mars, et diacre le 25 mars 1939.
Karl, qui souhaite plus que tout accéder au sacerdoce, voit ses camarades accéder au presbytérat pendant que lui est condamné à l’impuissance par sa maladie. Incapable de comprendre le plan de Dieu sur lui, il implore la MTA et sa puissante et maternelle protection, et s’abandonne totalement. Confiant dans la Providence, il met à profit le temps qui lui est donné pour se reposer, et pour reprendre progressivement des forces.
L'arrestation et le début du martyre
Le 9 novembre 1939 au matin, la radio annonçe qu’Hitler avait échappé à un attentat. Karl, entendant cette nouvelle, évoque à voix haute ses regrets : « Dommage qu’il fut déjà parti », exprimant ainsi sa conviction que la mort du Führer aurait évité à l’Allemagne les malheurs qu’il pressentait. Un témoin rapporte ces paroles aux autorités, et l’engrenage de la répression nazie s’enclenche : Karl est arrêté, puis conduit dans un premier temps à la prison de Fribourg-en-Brisgau.
Karl voit son ordination, initialement prévue pour le mois de décembre, s’éloigner encore plus. Il se consacre une fois encore à la Mère Trois fois Admirable de Schoenstatt, s’offrant « en détachement des choses du monde comme sacrifice pour notre jeunesse, notre Allemagne et le Royaume de Dieu ».
Transféré d’abord à Mannheim, Karl est envoyé en mars 1940 au camp de concentration de Sachsenhausen, près de Berlin. Soumis à de rudes conditions d’existence, son état de santé alterne entre des périodes de rémission et d’aggravation ; mais rien ne peut entamer son étonnante patience et sa bonté à l’égard de ses camarades. Attaché à son pays, il caresse l’espoir de s’engager comme infirmier volontaire pour échapper de cette manière au camp ; mais Karl a toujours plus conscience que la situation devrait durer, et il apprend la patience et l’offrande.
Dachau pour séminaire
En décembre 1940, Carl devient le matricule 22356 à Dachau. Dans ce camp sont regroupés depuis peu tous les prêtres emprisonnés en camps de concentration, et à partir de janvier 1941, une chapelle est aménagée dans le bloc 26 du camp. Les nombreuses lettres de Karl permettrent de comprendre comment dès lors il considère sa captivité comme un appel, pour grandir dans sa relation à Dieu, comment il vit de la spiritualité du diacre. Aider, compatir, s’intéresser aux autres, telles sont les qualités qu’il essaye de mûrir au quotidien dans le camp. Son attitude est celle d’une complète ouverture et disponibilité pour les souhaits et la volonté de Dieu ; qu’Il envoie la souffrance ou la joie, la captivité ou la liberté, la vie ou la mort : « Notre bonne Mère veille sur nous, particulièrement sur le Fils prodigue. On en reste au blanc-seing de Schoenstatt. Peut-être avons-nous beaucoup de choses à redresser par notre souffrance. Penser ainsi aide plus que tout».
La rencontre d'Otto Pies
En août 1941, le père jésuite Otto Pies est déporté à Dachau. Arrivé au camp, il déploie un intense apostolat auprès des prêtres. Il organise une prière commune quotidienne et tint et organise des récollections dans la pièce commune. Otto Pies devient l’ami fidèle, le compagnon, le directeur spirituel et le confesseur de Carl. On peut à juste titre douter que Karl aurait survécu au camp s’il n’avait pas pu compter sur le soutien apporté par Otto Pies. Il est celui qui se tient toujours près de Karl dans les moments déterminants de sa vie, et ce jusqu’au bout.
Comme l'or purifié au feu
La souffrance continue. L’année 1942 est une année de famine ; l’état de santé de Karl empire à nouveau. Karl ressentait tout à fait le poids de la souffrance qu’il avait à parcourir. Karl réussit derrière la souffrance à découvrir un sens pour lui et les siens : « La souffrance est un feu brûlant. Mais cela purifie beaucoup d’impuretés. Puissions-nous nous revoir épurés et renforcés : c’est là mon vœu le plus cher et ma prière la plus ardente pour Notre Père et Notre Mère là-haut ! » Durant les années 1943 et 1944, malgré son état de santé de plus en plus défaillant, Karl ne perd pas espoir. Il tente à nouveau d’obtenir sa libération en essayant de se faire incorporer dans la Wehrmacht . Mais malgré ces échecs, le désir d’être ordonné et de célébrer sa première messe ne le quitte pas. Il multiplie les exercices spirituels avec le groupe des prêtres de Schoenstatt, renouvelle sa consécration à la MTA : « J’ai tellement envie du sacrifice eucharistique et du sacerdoce ».
Malgré son état physique qui ne lui pemet presque plus de quitter le «Revier», l'infirmerie du camp, Karl reste disponible à tous les appels, cachant en permanence la boîte des hosties consacrées par un prêtre déporté allemand, assistant les mourants; on l'appelle bientôt « l'ange de Dachau ». Il espère toujours être prêtre un jour. Mais il faudrait un évêque pour l'ordonner...