Frères et soeurs,
« N’ayez pas peur de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme » (Mt 10,28). Les mots autrefois adressés par le Christ à ses disciples en Terre Sainte se réfèrent à tous les Chrétiens de tous les siècles. Ils valent sous toutes les latitudes et longitudes. Mais ils prirent une dimension particulière pour ces deux disciples du Christ dont nous fêtons aujourd’hui la béatification : Bernhard Lichtenberg et Karl Leisner (…).
Dans le texte du prophète Jérémie (Jer. 20,10-13) nous trouvons une référence suffisamment claire aux deux bienheureux d’aujourd’hui : Bernhard et Karl. Ils vivaient en un temps de Terreur systématique. Ils ont vaincu par leur foi et sa profession.
Le signe de reconnaissance d’une véritable sequela Christi n’est pas l’assentiment du monde, mais une confession fidèle en Jésus Christ. Le Seigneur n’exige pas de ses disciples une profession selon le monde, mais une confession de la foi qui soit prête aussi à faire des sacrifices. C’est cette confession qu’ont faite Bernhard Lichtenberg et Karl Leisner, non pas en paroles, mais par leur vie et leur mort. Dans un monde devenu inhumain, ils ont confessé le Christ, le seul qui soit le Chemin, la Vérite et la Vie.
Christ est le Chemin. Bernhard Lichtenberg et Karl Leisner l’ont prouvé en un temps où beaucoup avaient quitté le droit chemin pour s’égarer dans l’erreur par opportunisme ou par peur. Celui qui regarde le chemin des deux martyrs sait que leur martyre n’était pas un accident de leur destinée mais bien l’ultime et incontournable conséquence d’une vie vécue à la suite du Christ. Déjà dans leur tendre jeunesse les deux s’étaient mis en route sur le chemin où Dieu les avait appelés et qu’Il voulait faire avec eux. Christ, Tu m’as appelé. Je parle avec humilité mais détermination : « Je suis là, envoie-moi » écrit Karl Leisner au début des ses études de théologie. Lui, qui avait très tôt reconnu le caractère anti-chrétien du régime qui dominait alors, se sentait appelé à enseigner aux hommes le Chemin de Dieu par le ministère sacerdotal qu’il souhaitait exercer et il ne voulait pas faire de concessions à la prétendue « conception nationale ». Avant qu’il ne fût enfermé à Dachau, il développa très tôt une profonde dévotion pour la Vierge à laquelle il avait été sensibilisé par le Père Kentenich et le mouvement de Schönstatt.
Son courage dans la foi et son admiration pour le Christ doivent avant tout servir d’impulsion et de modèle à tous les jeunes qui vivent dans un environnement marqué par l’incroyance et l’indifférence. Car il n’y a pas que le dictatures politiques qui restreignent les libertés. Il faut tout autant de courage et de force pour s’affirmer contre l’influence de l’esprit du temps, tout orienté vers la consommation et la jouissance égoïste de la vie et parfois s’acoquine avec l’anticléricalisme, voire un athéisme franchement militant. Le service auprès des hommes exigea de Bernhard Lichtenberg tout son engagement et tout son sacrifice. Sa foi inébranlable lui en donna la force. « Il était jusqu’en chacune de ses fibres en tout ce qu’il disait : il prêchait par lui-même. Il avait la foi qui bouge les montagnes » écrivit a posteriori un de ses contemporains sur lui.
Bernhard et Karl nous encouragent à rester sur le Chemin qui s’appelle le Christ. Nous ne devons pas nous fatiguer, même si ce chemin apparaît plus d’une fois sombre et exige aussi des sacrifices. Gardons-nous des faux-prophètes, qui veulent nous indiquer d’autres chemins. Le Christ est le Chemin, qui conduit à la Vie. Tous les autres chemins s’avèreraient des détours ou des impasses (...).
Christ est la Vie : c’est pour cette conviction qu’a vécu Karl Leisner et pour elle qu’il mourut finalement. Il a toute sa vie recherché la proximité au Christ par la prière, la lecture quotidienne des Ecritures et par la méditation. Et il a finalement trouvé cette proximité d’une manière particulière dans la rencontre eucharistique avec le Seigneur. Le sacrifice eucharistique que Karl Leisner, dans le camp de concentration de Dachau, put célébrer comme prêtre après son ordination, n’était pas seulement pour lui une rencontre avec le Seigneur et la source de ses forces vitales. Karl Leisner savait aussi que celui qui vit avec le Christ entre dans une communauté de destin avec le Seigneur.
Karl Leisner et Bernhard Lichtenberg ne sont pas des témoins de la mort, ils sont des témoins de la vie : d’une vie qui va au-delà de la mort. Ils sont témoins du Christ, qui est la Vie et qui est venu pour que nous ayons la Vie et que nous l’ayons en plénitude (cf. Jean 10,10). Dans une culture de mort, les deux ont porté témoignage pour la vie.
Comme les deux bienheureux, nous sommes tous appelés à porter témoignage pour la vie. C’est pourquoi tenez fermement à la vie, qui est le Christ. Résistez à la culture de haine et de mort, quelque soit l’apparence qu’elle revête. Et n’épargnez pas vos efforts pour vous engager auprès de ceux dont la vie ou la dignité de vie sont menacés : les enfants à naître, les plus grands malades, les personnes âgées et tous les miséreux de la Terre. Par leur mort, Bernhard Lichtenberg et Karl Leisner ont rendu visible la vie qui est le Christ et que le Christ donne. L’Eglise les gardera pour toujours en honneur, ainsi que leur témoignage. Ce témoignage que les deux bienheureux ont porté, ne fut possible que grâce au lumineux exemple donné par leur évêque respectif : Konrad von Preysing à Berlin et Clemens August von Galen à Munster. Précisément en un temps et un monde qui souvent ne peut ou ne veut plus reconnaître la valeur de la foi chrétienne et qui remet ainsi en question le fondement même de sa civilisation, un tel témoignage est nécessaire. Il ne s’agit pas que du témoignage de la Parole, mais justement du témoignage d’une vie qui a pour fondement la Parole du Christ (..).
Je voudrais encourager toute l’Eglise d’Allemagne pour qu’elle reste fidèle à sa mission chrétienne et regarde toujours l’exemple des deux martyrs bienheureux Bernhard Lichtenberg et Karl Leisner « Mater habebit curam » Notre Mère céleste y veillera ! C’est avec ces paroles porteuses de joie que je vous confie à l’Intercession de Marie qui, en tant que première Chrétienne, a répondu Oui à l’insaisissable volonté de Dieu ».
+ Jean Paul II